Configuration des parties supérieures et influence sur la poussée axiale
La configuration de la région des parties supérieures de la turbine Francis peut avoir d'importants effets sur la poussée axiale.
Sur la figure suivante, on représente les parties supérieures de la turbine avec un cheminement typique de la fuite et en médaillon une coupe turbine.
Quatre configurations possibles sont présentées plus en détail.
Sur chacune, on a identifié
les parties tournantes en vert soit le plafond de la roue fixé à l'arbre et
les parties fixes en bleu soit le fond supérieur[2] et le flasque supérieur du distributeur[3].
Exemple : Étude de l'écoulement secondaire autour du plafond d'une roue Francis
Dans le paragraphe L'hydrostatique et l'équilibre des forces dans un champ d'accélération on trouve les capsules sur les efforts résultants des champs de pression générés par soit un tourbillon forcé soit un tourbillon libre. Cette contribution à la poussée axiale sera comparée pour chacune des configurations présentées dans le cadre d'un exemple présentant une turbine typique.
Le cas étudié est présenté dans le tableur PousséeAxiale.
Sous l'onglet Données pour la turbine, on trouvera les paramètres du cas étudié.
Chacune des configurations calculées sont dans leur onglet respectif.
Pour le calcul de la poussée axiale on utilise la méthode du volume de contrôle aux frontières de la roue. Sur ces frontières, on intègre les efforts résultants des pressions et de la variation de la quantité de mouvement. Sur l'image suivante tirée de l'article de B. Papillon et al[5], on illustre cette méthode.
On observe, pour le flux de calcul, qu'alors que l'écoulement secondaire dans les parties supérieures de la turbine se produit de l'amont vers l'aval, les pressions elles viennent de l'aval et remontent vers l'amont.
Méthode : Configuration 1 : sans fuite
Dans cette configuration, la pression exercée au droit du labyrinthe[6] au point 0 se répercute au point 1. La pression entre 1 et 5 est centrifugée à une vitesse de rotation du fluide qui doit être entre la vitesse de rotation de la roue et la vitesse nulle du fond supérieur[2]. Il n'y a pas d'écoulement par le labyrinthe (entre le point 0 et le point 1).
Cette configuration donnera une poussée axiale très élevée puisque la pression au point 0 dépend du niveau amont moins l'énergie cinétique au droit du labyrinthe. À cause de cette poussée, les pertes thermiques à la pivoterie[7] seront élevées.
La pression au joint d'arbre en 5 sera aussi très élevée ce qui sera problématique pour la conception de ce joint, particulièrement pour une turbine de haute chute.
Par contre, il n'y a pas de perte volumétrique puisqu'il n'y a pas de fuite qui éviterait le passage hydraulique moteur entre les aubes.
Cette configuration est peu utilisée.
Simulation : Contribution à la poussée axiale de la configuration 1
Pour cette configuration, essentiellement nous sommes en présence d'un disque qui tourne dans un bâti. La roue en vert présente une vitesse angulaire de 20,94 radians par seconde correspondant à la vitesse de rotation de 200 tpm. Dans le paragraphe Méthode on y mentionne que l'eau entre le bâti et la roue tourne à une vitesse se situant entre 0 et 200 rpm. En première approximation, on la fixe à la moitié de la vitesse de rotation de la roue.
On applique ensuite l'équation du calcul de la force pour le tourbillon forcé entre le point 1 et le point 5.
La pression de référence est celle du point 0 puisqu'il n'y a aucun débit de fuite ni donc perte de charge.
Pour cet exemple, la pression de référence donnée est de 400000 Pa qui peut être approximée ainsi :
zamont - zdist + (hauteur distributeur)/2 = 132 - 65 +0,3 = 67,3 mce[9]
énergie cinétique = v²/(2g)=(22 m/s)²/(2*9.81) = 24,7 mce . Ici on estime la vitesse dans le distributeur à 22 m/s.
perte de charge entre amont et distributeur = 1.85 mce . C'est une estimation.
calcul en Pascal : (67,3 - 24,7- 1,8) mce *ρ*g = 400 000 Pa
Une modélisation des pertes et écoulements ou une mesure permettrait d'être plus précis.
L'équation de la force générée par un tourbillon forcé est donné par :
Méthode : Configuration 2 : captation de la fuite avec un conduit menant à l'aval
Cette configuration permet la fuite. Un conduit relie le point 1 au point 4 à l'aval. La fuite au labyrinthe est donc conditionnée par la pression où débouche ce conduit au point 4. La pression entre 1 et 5 est centrifugée à une vitesse de rotation du fluide qui doit être entre la vitesse de rotation de la roue et la vitesse nulle du plafond.
Cette configuration permet une réduction significative de la poussée axiale. La perte de charge dans le labyrinthe est importante. Elle isole le dessus du plafond de roue du niveau amont. La pression y dépend surtout de la pression en 4.
L'ensemble des conduits d'évacuation entre 1 et 4 peuvent être assez encombrant dans le puits turbine. De plus, ils doivent contourner la bâche ce qui amène une complication au moment de la construction et du coulage du béton. Ils doivent être assez long pour aller rejoindre la jonction avec l'aspirateur et peuvent donc présenter un coût important. Il est souvent demandé qu'ils soient en acier inoxydable.
Pour éviter les pertes charge dans le conduit sa section totale doit être d'environ dix fois la section du jeu au labyrinthe. La perte de charge dans le conduit cause une augmentation de la pression sur le plafond et donc augmente la poussée axiale.
Cette configuration est souvent retenue.
Simulation : Contribution à la poussée axiale de la configuration 2
Pour cette configuration il y a une fuite qui entre dans le labyrinthe et est évacué par le conduit. Cette fuite transporte le moment cinétique de l'écoulement.
Entre le point 0 et le point 1, on génère ce moment cinétique pour une vitesse tangentielle approximée à la moitié de la vitesse tangentielle de la face de la roue.
Le segment entre le point 1 au droit du labyrinthe et l'entrée du conduit doit être tenu en compte pour calculer l'effet du tourbillon libre.
L'équation de la force générée par un tourbillon libre est donné par :
On note que la pression au point 0 n'a plus aucune influence sur la poussée axiale puisque que le labyrinthe crée la perte de charge qui isole l'amont de l'aval.
Entre le point 4 et le point 5, il n'y a aucun débit ni donc transport de moment cinétique, le tourbillon est donc forcé.
Pour cet exemple, la pression de référence donnée est de 30000 Pa au point 4.
Méthode : Configuration 3 : retour de la fuite par les trous d'équilibrage dans le plafond de la roue
Cette configuration permet la fuite au labyrinthe grâce à des trous d'équilibrage au point 3 qui relient le dessus du plafond à l'aval des aubes de la roue par la pointe conique de la roue[11]. L'écoulement au point 1 a acquis une vitesse de rotation située entre 0 et la vitesse tangentielle de la face du labyrinthe de la roue, elle devrait être très près de la moitié de la vitesse tangentielle de la face du labyrinthe de roue. Par conservation du moment cinétique la vitesse de rotation entre 1 et 2 suivra une loi de proportion r1 sur r. Arrivée à 3, la vitesse tangentielle de l'écoulement est celle de la roue à cet endroit. Entre 3 et 4 par conservation du moment cinétique la vitesse de rotation suit une loi de proportion r3 sur r. La vitesse de rotation entre 2 et 5 se situe entre 0 et la vitesse de la roue.
Dans le schéma représenté, le point 4 est situé à l'extrémité inférieure de la pointe de roue, il s'agit d'une configuration assez moderne. Auparavant, on perçait le cône de roue plus à l'amont et plus près radialement des trous d'équilibrage. L'inconvénient de cette dernière variante est de perturber l'écoulement à la sortie des aubes avec le retour de la fuite et ainsi de perdre quelque dixième de point de rendement. En envoyant la fuite plus au centre on élimine cet inconvénient. Toutefois, la conservation du moment cinétique fait que la vitesse de rotation de l'écoulement en 4 dépasse la vitesse de rotation et ainsi crée une augmentation de la pression en 3 et sur le plafond de la roue. Ce problème a été identifié et traité par Papillon et al[5]. On élimine ce problème par l'ajout d'ailettes radiales dans le cône de roue qui empêche l'eau de tourner plus vite que la roue.
Cette configuration est assez fréquente.
Simulation : Contribution à la poussée axiale de la configuration 3
Cette configuration s'apparente à la précédente sauf que le retour de la fuite à l'aval prend un raccourci par des trous d'équilibrage perforés dans le plafond de la roue entre les points 2 et 3.
On a donc un tourbillon libre entre 1 et 2. Par les trous d'équilibrage, la roue entraîne l'écoulement à sa vitesse angulaire et ce moment cinétique est conservé dans le tourbillon libre entre 3 et 4.
Pour cet exemple, la pression de référence donnée est de 30000 Pa qui peut être approximée ainsi :
zaval - z4 = 67 - 65 = 2 mce
énergie cinétique = v²/(2g)=(8 m/s)²/(2*9.81) = 3.26 mce . Ici on estime la vitesse au cône de roue à 8 m/s.
perte de charge entre aval et point 4 = 2.03 mce . C'est une estimation basée sur la perte aspirateur.
calcul en Pascal : (67,3 -3.26- 2.03) mce *ρ*g =30 000 Pa
Un raffinement de cette configuration est l'ajout d'ailette dans le cône de roue de manière à forcer l'eau à tourner à la même vitesse que la roue. Autrement, avec la réduction du rayon au pont 4 la vitesse tangentielle s'emballe et créé ainsi une pression supérieure. En fait, la pression de référence connue est la pression au point 4, le tourbillon libre accentue la différence avec la pression au point 3.
Méthode : Configuration 4 : retour de la fuite par les trous d'équilibrage et transit dans les canaux du fond supérieur
Cette configuration est un raffinement de la précédente. Elle diffère par le cheminement de l'écoulement entre 1 et 2. En effet, la fuite est canalisée dans le fond supérieur et ne se trouve ainsi pas centrifugée. Ceci s'obtient grâce à un labyrinthe interne en 2' qui y maintient une pression obtenue par centrifugation à partir du point 1.
Toutes les autres remarques de la configuration 3 s'appliquent.
Cette configuration est assez fréquente en Amérique du Nord.
Simulation : Contribution à la poussée axiale de la configuration 4
On n'a donc maintenant aucun tourbillon entre les points 1 et 2, l'écoulement de la fuite s'effectue radialement. La pression en 4 est centrifugée jusqu'à 3, suivant la configuration du cône on aura un tourbillon libre pour un cône normal ou un tourbillon forcé pour le cône muni d'ailettes internes. On retrouve la même valeur de la pression en 3 , 2 et 1. Puis la pression sur le plafond de la roue est centrifugée de 1 à 2' et donc décroît.
Conseil : Quelle configuration retenir ?
Simplement sur la base des différences de poussée axiale résultant des pressions sur le plafond de la roue, on observe que l'exemple présenté favorise la configuration 2. Toutefois, du point de vue de la poussée axiale, l'avantage tient au rayon du point 4. Plus le point 4 se trouve sur un petit rayon plus la configuration 2 perd son avantage.
La configuration 3 montre que le cône à ailette a un effet remarquable. De fait, la configuration 4 avec le retour de la fuite par des canaux dans le fond supérieur diminue aussi les effets de centrifugation presque sur tout le plafond et devient très compétitive avec la configuration 2 en terme de poussée.
Il faut alors peser les coûts et les conséquences sur les délais de montage de chacune pour décider.