Augmentation de l'oxygène dissout

FondamentalDistribution géographique

Le problème des eaux pauvres en oxygène affectent les régions non-nordiques qui présentent des étés très chauds. Sensible à l'écologie et au développement durable, les premiers à s'en préoccuper, ce sont les États Unis du sud-est. Toutefois, cette préoccupation qui s'accroît, a atteint récemment la péninsule ibérique et devrait évidemment éventuellement préoccuper le sud-est asiatique, l'Amérique du Sud et bien d'autres contrées tropicales.

Endroits concernés par la préoccupation de l'oxygène dissoutInformations[1]

FondamentalEffet de l'oxygène dissout sur la vie aquatique

La saturation de l'oxygène dans l'eau varie avec la température, c'est une propriété physique. Cette saturation constitue un maximum qui peut être dépassé dans certaines circonstances, on peut être en sursaturation et il s'agit alors d'une situation instable.

L'activité biologique a besoin de cet oxygène pour assurer le maintient de la vie et il contribue à sa diminution. Suivant les espèces, les poissons ont des besoins variables. Certains poissons sont exigeants en oxygène et vivent naturellement dans les eaux froides.

Propriétés chimiques et effet biologique de la concentration en oxygène dissoutInformations[2]

Le problème

  • L'activité biologique en été consomme l'oxygène dans le réservoir amont.

  • L'eau turbinée sans oxygène est envoyée dans la rivière et tue ainsi la vie aquatique.

  • Il s'agit d'un problème saisonnier et climatique qui affecte certaines régions.

Le problème ne vient pas directement de la turbine mais du barrage qui crée un réservoir où l'eau stagne alors qu'avant le développement hydroélectrique, la turbulence et les courants entraînaient de l'air dans l'eau et favorisait son oxygénation naturellement.

Effet des saisons sur la concentration en oxygène et stratification de l'oxygène dans le réservoir

MéthodeUne solution efficace: l'admission d'air par effet venturi dans et au voisinage de la roue

On peut oxygéner l'eau de différentes façons. Toutefois, son passage par la turbine constitue une opportunité intéressante qui a démontré son efficacité et son bas coût par rapport aux autres méthodes.

Cette méthode :

  • Ne nécessite pas de source d'énergie externe comme des compresseurs.

  • La turbulence dans l'aspirateur peut devenir un allié dans la dissolution de l'oxygène.

  • C'est une système passif presque sans maintenance ni coût d'exploitation.

  • L'admission d'air cause une perte de productivité.

Admission d'air par effet venturi dans un modèleInformations[3]

FondamentalCe qui influence la dissolution de l'oxygène

En gros la variation de la concentration d'oxygène dans l'eau répond à l'équation suivante :

Équation de la dissolution de l'oxygène dans l'eauInformations[4]

Les facteurs clés sont:

  • Le nombre et la dimension des bulles.

  • Leur distribution dans l'écoulement.

MéthodeLes trois endroits pour admettre de l'air au voisinage de la roue

Grâce à l'accélération de l'eau à la roue, il y a des zones où la pression est inférieure à la pression atmosphérique. Typiquement, il y a trois zones qui peuvent être exploitées.

Sur la figure suivante, ces trois zones sont montrées, il y a l'aération :

  • Centrale (par la pointe de roue) en vert

  • Périphérique (par la ceinture et le cône aspirateur) en rouge

  • Distribuée par la roue en bleu

On voit aussi sur le graphique que la qualité de l'aspiration varie avec le point de fonctionnement et que les trois types d'aération ne réagissent pas de la même manière.

En fonction de l'endroit d'introduction, la quantité d'oxygène introduit n'est pas la mêmeInformations[5]

RemarqueEffet de l'aération sur le rendement

Essai modèle montrant la perte de rendement à Q11 constant sous différentes chutesInformations[6]

L'admission d'air en quantité significative affecte le fonctionnement de la turbine. Lors d'essais sur l'aération centrale on a observé une perte de rendement avec l'augmentation de la quantité d'air.

Cette variation de rendement peut trouver une explication dans les hypothèses suivantes :

  • L'air injectée dans une zone de basse pression y augmente la pression et diminue ainsi la chute vue par la turbine, moins d'énergie lui est disponible.

  • Cette diminution de la chute fait aussi que le point de fonctionnement glisse sur la colline (augmentation du n11) de la roue, les angles fluides sont perturbés.

  • La densité moyenne du fluide diminue.

  • Le volume d'air perturbe le champ de vitesse de l'eau et modifie:

    • La quantité de mouvement à la sortie de la roue.

    • Le champ de vitesse à l'entrée aspirateur et donc le rendement de l'aspirateur.

On observe que pour ces essais à \(Q_{11}\) constant et pour une chute donnée : \(\Delta \eta ≈ \phi^{0.5}\).

On comprend bien que la quantité d'air atmosphérique qui entre dans la turbine dépend de la pression absolue au point d'injection qui elle même dépend des conditions d'essai. Or, se pose la question comment transposer ces données au prototype ?

FondamentalVers une loi de similitude

Comme pour les autres lois de similitudes, deux turbines vont être en similitude si leurs géométries solides et fluides le sont. Donc, c'est une affaire de géométrie. L'observation montre que l'air admis crée des structures à base de bulles plus ou moins agglomérées. L'hypothèse émise est que si l'on peut reproduire les mêmes structures à l'échelle, on sera au même point de fonctionnement et donc en similitude.

Modèle avec torche aéréeInformations[7]

Les limites d'apparition de la torche

Pour une aération centrale, il y a introduction d'air lorsque la pression à \(p_4\) est inférieure à la pression d'injection \(p_1\).

Sur une colline, lors d'une prise de charge, on observe une zone sans torche lorsque la vitesse tangentielle est insuffisante pour descendre la pression sous la tension de vapeur.

La similitude de cavitation combinée à la similitude de Froude assure la similitude en pression et en cavitation partout dans l'écoulement. On pousse l'hypothèse à ce que ces similitudes de Froude et cavitation assurent la similitude des structures de bulles.

Sur le graphique on présente les limites de l'apparition de la torche en fonction du débit et de la pression absolue.

Pour une pression absolue à la pointe de roue, point 4, inférieure à la tension de vapeur, il y a une torche qui se forme.

La rotation de l'écoulement est pratiquement nulle au point de meilleur rendement et varie en s'éloignant de ce point de sorte que la pression absolue se comporte à l'inverse et atteint un sommet près du débit de meilleur rendement. Le graphique illustre approximativement ce comportement.

  • Dans le cas où \(p_4<p_v\), il y a une torche de vapeur.

  • Dans le cas où \(p_4<p_1\), il y une torche d'air.

Localisation des points d'entrée et d'injection d'air pour une aération centraleInformations[8]
Limites d'apparition de la torche avec et sans airInformations[9]

\(\sigma_p=\sigma_m\)

\(\frac{p_{absp}-p_{vp}}{\rho E_p}=\frac{p_{absm}-p_{vm}}{\rho E_m}\)

Pour le cas particulier du point 4, elle s'applique ainsi :

\(\frac{p_{4p}-p_{vp}}{\rho E_p}=\frac{p_{4m}-p_{vm}}{\rho E_m}\)

et donc :

\(p_{4p}=\frac{E_p}{E_m}p_{4m}+p_v\left( 1 - \frac{E_p}{E_m}\right)\)

Ce qui nous amène à :

\(\frac{p_{4p}}{p_{4m}}=\frac{E_p}{E_m} + \frac{p_v}{p_{4m}}\left(1 - \frac{E_p}{E_m}\right)\)

En assumant qu'à peu de chose près, \(p_4=p_1\) et si \(p_1=p_{atm}\) sur modèle et sur prototype, cette dernière équation ne peut être vérifiée (sauf évidemment si le rapport d'échelle est 1 ! !)

On note que :

  • La pression au site d'injection \(p_4\) contrôle le débit d'air qui alimente la torche.

  • Le volume de la torche doit être homologue géométriquement sur modèle et sur proto quand il y a injection d'air.

  • Le débit d'air dont dépend le volume de la torche devient donc le facteur à considérer.

Le débit d'air alimentant le volume de la torche est une fonction de:

  • La dimension de l'interface air-eau \(S\), car c'est par là que l'air va s'échapper dans l'écoulement.

  • La vitesse de l'écoulement \(v\).

  • La pression interne dans la torche \(p_4\).

Ce qui s'exprime ainsi :

\(\rho_{air}Q_{air}=kSv^{\gamma} p_{4air}\)

où :

\(k\) est un facteur de proportion

\(\gamma\) est un facteur pour tenir compte des écarts expérimentaux à expliquer (théoriquement égal à 1)

Il convient donc d'assurer l'homologie des débits massiques d'air. On impose donc la condition suivante sur les ratios de débit d'air :

\(\frac{\rho_{airp}Q_{airp}}{\rho_{airm}Q_{airm}}=\frac{S_p}{S_m}\left( \frac{v_p}{v_m}\right)^{\gamma}\frac{p_{4airp}}{p_{4airm}}\)

où la proportion des surfaces et des vitesses peuvent s'exprimer aussi :

\(\frac{S_p}{S_m}=\left( \frac{D_p}{D_m}\right)^2\) et \(\frac{v_p}{v_m}= \left(\frac{E_p}{E_m} \right)^{\frac{1}{2}}\)

Sachant qu'en 4 la pression résulte de la pression de l'air et de la tension de vapeur :

\(p_{4p}=\frac{E_p}{E_m}p_{4m}+p_v\left( 1 - \frac{E_p}{E_m}\right) \rightarrow p_{4airp}+p_v = \frac{E_p}{E_m}(p_{4airm}+p_v)+p_v\left( 1 - \frac{E_p}{E_m}\right)\)

qui se simplifie en :

\(\frac{p_{4airp}}{p_{4airm}}=\frac{E_p}{E_m}\)

et on obtient :

\(\frac{p_{4airp}Q_{airp}}{p_{4airm}Q_{airm}}=\left( \frac{D_p}{D_m}\right)^2\left(\frac{E_p}{E_m} \right)^{\frac{\gamma}{2}+1}\)

par commodité exprimons le débit massique de l'air à la pression atmosphérique et considérons le ratio débit d'air sur le débit d'eau exprimé par

\(\phi=\frac{Q_{atm}}{Q_{eau}}\)

sachant que :

\(Q_{ED}= \frac{Q_{eau}}{D^2\sqrt E}\rightarrow Q_{eau}=Q_{ED}D^2\sqrt E\)

et que \(Q_{EDp}=Q_{EDm}\)

on peut reformuler :

\(\frac{Q_{atmp}}{Q_{atmm}}=\left( \frac{D_p}{D_m}\right)^2\left(\frac{E_p}{E_m} \right)^{\frac{\gamma}{2}+1}\rightarrow \frac{Q_{atmp}}{Q_{atmm}}=\left( \frac{D_p}{D_m}\right)^2\left(\frac{E_p}{E_m} \right)^{\frac{1}{2}}\left(\frac{E_p}{E_m} \right)^{\frac{\gamma}{2}+\frac{1}{2}}\rightarrow \frac{Q_{atmp}}{Q_{atmm}}=\frac{Q_{eaup}}{Q_{eaum}}\left(\frac{E_p}{E_m} \right)^{\frac{\gamma+1}{2}}\)

\(\frac{\phi_p}{\phi_m}=\left(\frac{E_p}{E_m} \right)^{\frac{\gamma+1}{2}}\)

On observe donc que pour être en similitude le ratio des φ ne dépend que des chutes et que l'échelle des dimensions n'entre pas en jeux.

Considérant l'air comme un gaz idéal avec une constante R et admettant la même température d'air sur proto et modèle :

\(\frac{\rho_{airp}Q_{airp}}{\rho_{airm}Q_{airm}}=\frac{S_p}{S_m}\left( \frac{v_p}{v_m}\right)^{\gamma}\frac{p_{4airp}}{p_{4airm}}\)

\(\rho_{air}=\frac{p_{4air}}{RT_{air}}\)

\(\frac{Q_{airp}}{Q_{airm}}=\frac{S_p}{S_m}\left( \frac{v_p}{v_m}\right)^{\gamma}\)

\(\frac{Q_{airp}}{Q_{airm}}=\left( \frac{D_p}{D_m}\right)^2\left(\frac{E_p}{E_m} \right)^{\frac{\gamma}{2}}\)

ExempleQuelques observations

L'aération centrale concentre l'air au centre alors que l'aération périphérique distribue plus l'air qui par l'accélération centripète se mélangera mieux à l'eau.

Ce qui veut dire qu'avec moins d'air on obtiendra un niveau d'oxygène dissout supérieur.

Moins d'air = moins de perte.

Comparaison de 3 points de fonctionnement, faible, coeur et pleine charge dans aération, avec aération centrale et périphériqueInformations[10]

Point d'opération identique, même ouverture des directrices et même chute d'essai.

Très peu d'air central influence la torche.

L'aération centrale est aussi utilisée pour atténuer le bruit et les fluctuations de pression avec très peu d'airInformations[11]

ComplémentVérification expérimentale de la loi de similitude

La figure ci-bas montre des variations de la torche pour un même point de fonctionnement mais sous des chutes différentes et des débits d'air différents.

Pour une même débit d'air les figures a et b essayées sous des chutes différentes montrent des torches de volume très différents.

Pour a figure c, on a pris la moitié de la chute de a et on a fait varier la quantité d'air pour obtenir un volume de torche à peu près équivalente à l'oeil.

Avec les observations ainsi faite en appliquant la loi de similitude on obtient une valeur de \(\gamma= 2,25\) :

\(\frac{\phi_a}{\phi_c}=\left(\frac{E_a}{E_c} \right)^{\frac{\gamma+1}{2}}\)

\(\frac{0,74}{0,24}=\left(\frac{300}{150} \right)^{\frac{2,25+1}{2}}\)

Observation du volume de la torche sous différentes chutesInformations[12]

Sur le graphique du haut, pour une même point de fonctionnement (nEDopt,QEDopt), \(\gamma=3\) donne une bonne approximation pour des essais sur modèle avec une aération centrale.

Par exemple :

Sous 150 J/kg à \(\varphi =1\)%

on a la même perte de rendement qu'à

\(\phi = 0,24\)% sous 75 J/kg

\(\frac{\phi_{150}}{\phi_{75}}=\left(\frac{E_{150}}{E_{75}} \right)^{\frac{\gamma+1}{2}}\)

\(\frac{1}{0,24}=\left(\frac{150}{75} \right)^{\frac{\gamma+1}{2}}\)

\(\frac{\gamma+1}{2}=\frac{\log\frac{1}{0,24}}{\log\frac{150}{75}}=2,05\)

\(\gamma=3,11\)

Validation et limite de la similitudeInformations[13]

Cela indique un écart par rapport à la valeur théorique \(\gamma=1\) qui montre qu'une partie du phénomène échappe à notre théorie.

Sur le graphique du milieu, on observe que par rapport à la théorie où \(\gamma=1\), l'écart croît lorsqu'on s'éloigne du point optimal.

Enfin sur le graphique du bas, on a comparé la théorie entre un modèle et son prototype et on y constate une bonne concordance.

On doit observer que les comparaisons entre mesure et théorie à l'échelle modèle comme prototype sont assez limités et que l'on ne peut conclure avec certitude. La théorie développée est une base qui n'explique pas tout, certains phénomènes échappent à la compréhension et il faut pousser plus loin les investigations.

MéthodePiste de recherche pour l'aération distribuée

L'amélioration de la performance de la turbine va de pair avec une meilleure dissolution de l'oxygène. Des bulles plus petite et mieux distribuées dans l'écoulement vont dans le sens d'une meilleure dissolution. La dynamique entre la dissolution et la perturbation de l'écoulement n'a pas été étudiée jusqu'à maintenant de même la transposition de la population de bulle (dimension vs quantité) suit ses propres règles, il faudra probablement tenir compte de la tension superficielle.

Sur la figure suivante, une étude du point d'injection sur le profil montre qu'une injection près du bord d'attaque montre des bulles plus petites et plus dispersées qu'une injection au bord de fuite.

Pour une même quantité d'air une étude de la dispersion et de la dimension des bullesInformations[14]

Une méthode traditionnelle.

Une solution développée par Voith depuis 1985 est caractérisée par l'aération par le bord de fuite.

C'est une solution efficace en terme d'aération mais qui nécessite des bords de fuite épais qui intrinsèquement créent une traînée et des pertes.

Aération par le bord de fuite des aubesInformations[15]

Une méthode améliorée.

La réponse à cette technologie a été développé par Alstom depuis 2002 puis GE et présentée en 2018 au congrès HydroVision.[16]

Elle s'appuie sur l'insertion d'un profil inter-aube qui introduit l'air dans l'écoulement par des trous situés près du bord d'attaque. Il en résulte des bulles plus petites et plus distribuées dans l'écoulement. Cela laisse espérer une quantité d'air introduite plus faible pour un même taux d'oxygène dans la rivière. De plus, ce profil s'insère dans le canal convergent des aubes et dispose d'un bord de fuite fin, de sorte que la traînée qu'il génère est très faible de même que la perturbation du champ de vitesse à la sortie des aubes. De ce fait, ce dispositif peut s'ajouter à tout tracé hydraulique sans avoir à le modifier.

Représentation schématique du dispositif d'aération de GEInformations[17]
Distribution de l'air introduit au bord d'attaque d'un profil inter-aube.Informations[18]

Une implantation remarquable de cette solution a été faite à High Roch Dam :

Résultat de l'implantation de la solution GE à High RochInformations[19]